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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 22:03

Invité le 10 avril dernier de la Matinale de France Inter (en réécoute ici), Jean-Luc Mélenchon est resté dans le flou quand un auditeur lui a demandé de préciser ce qu'il entendait au juste par ce concept de  "planification écologique" qu'il ne cesse de mettre en avant.

http://www.lepartidegauche.fr/system/images/inline/docs-pg-brochure-vite-plannification-ecologique.jpg

 

Pour le candidat du Front de Gauche, il s'agit de « donner un horizon à la reconversion de l'économie française » en essayant, par bassin de population et par régions, « de ramener tout ce que l'on peut au niveau local ». Comment les propositions remontent-elles de la base, et comment y redescendent-elles ? Qui décide de quoi ? Le Parlement ? Les régions ? Le mystère est total !

 

Dans une excellente tribune publiée sur Mediapart, le député vert européen Alain Lipietz nous rappelle ce qu'est la planification. « C'est un processus, plus ou moins démocratique (et c'est le premier problème), plus ou moins adaptatif (et c'est le second problème), de mise en cohérence de plusieurs plans sectoriels et régionaux, fixant des objectifs quantitatifs et datés (et c'est là le contenu et la question essentiels de la notion de plan), et les instruments conduisant les divers agents de la société, entreprises, administrations, ménages, institutions financières, à obtenir, dans les délais, les résultats fixés par ces plans (et c’est le troisième problème) », explique Alain Lipietz.

 

De fait, Jean-Luc Mélenchon n'indique nullement comment il compterait faire fonctionner cette complexe architecture institutionnelle. « Exalter la planification écologiste sans dire laquelle, c'est tout simplement se moquer du monde », souligne Alain Lipietz. On ne peut donc qu'être d'accord avec lui quand il affirme que pour Jean-Luc Mélenchon, « brandir la juxtaposition de ces deux mots (NDLR planification et écologique) suffirait à cristalliser la synthèse du Rouge et du Vert. »

 

A cela, on peut ajouter que l'emploi du terme planification par un homme politique qui se proclame l'ami d'Hugo Chavez, refuse d'employer le mot « dictature » à propos de Cuba et dénie le droit à l'indépendance du peuple tibétain peut conduire à supposer que son modèle se rapprocherait davantage du Plan autoritaire, tel que le pratiquaient les régimes communistes, que du Plan incitatif longtemps en vigueur dans notre pays. Mais cela n'est qu'une supputation, tant Jean-Luc Mélenchon reste vague sur le sujet.

 

De plus, Jean-Luc Mélenchon présente abusivement la planification écologique comme une nouveauté. Pourtant, comme le souligne Alain Lipietz, les élus écologistes la mettent depuis longtemps en pratique, par exemple quand ils mettent en pratique dans les communes et les régions des plans de développement du bio dans les cantines, ou qu'ils proposent un plan étape par étape de sortie du nucléaire. Mais on peut aller plus loin et considérer le Grenelle de l'environnement comme une forme de planification écologique, puisque les objectifs étaient débattus et déterminés en commun par les différents acteurs, avant d'être adoptés par le Parlement via une série de lois. Que le processus ait ensuite été vidé de sa substance n'ôte rien au caractère à la fois planificatoire et écologique de la démarche.

 

Bref, comme Monsieur Jourdain avec la prose, nombreux sont ceux qui font de la planification écologique sans le savoir - ou, du moins, sans le répéter en boucle. En mettant en avant ce slogan déguisé en concept, Jean-Luc Mélenchon ne fait qu'enfoncer une porte ouverte (et verte ?) et agiter un miroir aux alouettes destiné à détourner les voix d'électeurs écologistes déçus (on les comprend...) par la campagne d'Eva Joly.

 

A ceux qui seraient tentés par les sirènes mélenchonistes, rappelons aussi que la principale force constitutive du Front de Gauche n'est autre que le Parti communiste, toujours indéfectiblement attaché à l'énergie nucléaire. Voter Mélenchon, c'est accroître les "chances" d'une entrée au gouvernement de ministres communistes qui, n'en doutons pas, sauront freiner le Président Hollande dans ses élans déjà timides en faveur d'une réduction de la part du nucléaire dans notre approvisionnement énergétique et s'activeront pour empêcher la fermeture de Fessenheim.

 

Alors, sans considérer a priori que la « conversion » écologique de Jean-Luc Mélenchon (voir son entretien passionnant avec Hervé Kempf sur le site Reporterre) soit moins sincère que celle, à peine moins récente, d'Eva Joly, il faut reconnaître que sa mise en avant de la planification écologique relève de l'enfumage. Bien essayé quand même !

 

Cet article a été publié sur le site le + du Nouvel Observateur.

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