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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 14:41

Dans un livre provocateur titré Qui a tué l’écologie ? (éditions Les Liens qui Libèrent), Fabrice Nicolino affirme que les dérives de certaines grandes associations écologistes mettent en péril l’intégrité du mouvement écologiste dans son ensemble.

http://www.editionslesliensquiliberent.fr/images/30/v_book_27.jpg

 

Pour justifier ce sombre diagnostic, ce journaliste engagé de longue date pour l’écologie s’appuie sur l’échec du Grenelle de l’environnement. De fait, la taxe carbone, qui en était le fer de lance, a été enterrée, ou, du moins, renvoyée à un hypothétique accord européen. Cet échec, Fabrice Nicolino l’attribue à deux causes. 

D’abord, obéissant à un plan machiavélique, le Président Sarkozy aurait commencé par mettre en avant des ministres pseudos-écolos (Borloo, NKM, Jouanno) pour faire croire à une « révolution écologique » de son gouvernement, avant de revenir en arrière, ce qu’il avait prévu dès le début, avec la complicité des dits ministres. Un scénario dont il n’apporte pas de preuves, hormis des portraits très négativement orientés de Borloo, NKM et Jouanno (par exemple, Nicolino passe sous silence le fait que cette dernière, avant d’être nommée secrétaire d’Etat à l’écologie, avait été une directrice généralement jugée efficace de l’ADEME). On pourrait tout aussi bien soutenir (sans preuve absolue non plus…) qu’après avoir été séduit un temps par Nicolas Hulot et les écolos de son gouvernement, Sarkozy a été «rattrapé » par les intérêts économiques auxquels il est lié, et converti à l’idée selon laquelle l’écologie ne rapporte pas de voix aux élections.

 

Mais l’essentiel n’est pas là. Car pour Fabrice Nicolino, la cause principale de l’échec du Grenelle est la politique menée par la « bande des quatre », à savoir le WWF, France Nature Environnement (FNE), Greenpeace et la Fondation Nicolas Hulot (FNH). Ces grandes ONG se seraient laissées piéger par Sarkozy et ses hommes (et femmes) de main, acceptant par exemple le rajout de la mention « si possible » dans l’objectif de réduction de 50% des pesticides fixé par le Grenelle.

Selon Nicolino, la participation de ces associations à cette mascarade est l’aboutissement d’une politique de compromissions avec les entreprises et/ou l’Etat. De fait, Fabrice Nicolino a débusqué quelques « cadavres » encombrants dans les placards, comme la participation du WWF à des tables rondes sur le soja « responsable », aux côtés de firmes comme Monsanto, ou l’association de FNE avec la société Compo, qui fabrique des pesticides. Nicolino consacre aussi des pages croquignolettes au parcours d’extrême-droite de certains fondateurs du WWF.

Mais, emporté par son élan, notre auteur met dans le même sac le WWF et la FNH, financés en grande partie par des entreprises, FNE, dont l’argent vient pour l’essentiel de subventions du ministère de l’Ecologie, et Greenpeace, qui fait uniquement appel aux particuliers pour son financement. Une analyse sérieuse des dérives possibles de ces associations aurait supposé de se pencher sur leurs comptes : d’où vient l’argent ? Et à quoi est-il utilisé ? Fabrice Nicolino ne se demande pas non plus si ces dérives ne seraient pas dues en partie à un effet de taille, avec des associations devenues trop lourdes, qui se préoccupent plus de leur propre développement que des causes qu’elles sont censées défendre.

Las, Nicolino préfère rester dans l’imprécation et la condamnation générale de tout travail en commun des associations avec des entreprises. Ces dernières ont certes une lourde responsabilité dans la crise écologique. Pour autant, Fabrice Nicolino paraît négliger le fait que les entreprises, comme les collectivités publiques, sont composées d’êtres humains, et que, par là même, elles sont amenées à évoluer et à s’«écologiser» à mesure que la prise de conscience générale sur l’écologie progresse. Bien sûr, cette écologisation se résume souvent à un « greenwashing » que Nicolino dénonce avec raison dans un chapitre au vitriol consacré au « développement durable », une pure imposture selon lui.

Plus généralement, Fabrice Nicolino paraît fermé à l’idée que les organisations, comme les individus, puissent évoluer dans le bon sens. Ainsi, Jean-Louis Borloo est à jamais condamné par son passé d’avocat d’affaires (et de Bernard Tapie) dans les années 80, et Robert Lion, président de Greenpeace France, par ses antécédents de technocrate aménageur dans les années 60-70. >Là, on est proche du très réactionnaire « voleur un jour, voleur toujours »…

Comme pris de remords face au caractère excessif et systématique de son propos, et à un titre (Qui a tué l’écologie ?) obéissant à une logique de marketing qu’il pourfend pourtant chez le WWF ou Greenpeace, Fabrice Nicolino ne cesse d’ailleurs d’admettre que les ONG qu’il pourfend sont peuplées de gens très bien et qu’il apprécie, comme Nicolas Hulot lui-même ou Serge Orru du WWF. Alors, souhaitons que ce livre soit l’occasion pour les ONG mises en cause de remettre en question certains partenariats douteux, et, plus généralement, leur mode de fonctionnement.

En tout cas, force est de constater (comme le reconnaît d’ailleurs Fabrice Nicolino dans un ultime chapitre consacré à la mobilisation contre les gaz de schiste) que si l’écologie, une certaine écologie, est morte, son cadavre bouge encore…

 

Cet article est paru en primeur sur le site du Sauvage.

Fabrice Nicolino anime un excellent blog, Planète sans Visa.

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