« Into the wild », « No country for old men » : outre qu'ils confirment, après le « Jesse James » d'Andrew Dominik, le retour des grands espaces de
l'ouest dans le cinéma américain, ces deux nouveaux films ont en commun d'avoir comme héros des « tramps », c'est-à-dire des vagabonds. Une catégorie (a)sociale chère au coeur de Bruce
Springsteen, comme en témoignent les paroles de « Born to run ».
Le personnage central d'« Into the wild », Christopher McCandless (Emile Hirsch, une révélation),
est un vagabond solitaire, qui se rebaptise justement Supertramp. Il choisit, à 24 ans, de tout plaquer pour un retour à la nature sauvage (the wilderness) en Alaska. Le film de Sean Penn est
basé sur un roman à succès de Jon Krakauer, qui s'appuie lui-même sur l'histoire vraie de Christopher McCandless, survenue au début des
années 90.
S'il n'est pas un chef d'oeuvre du 7e art, « Into the wild » s'avère passionnant. Ce (trop) long métrage (140 mn) a l'originalité de mêler trois thématiques typiquement nord-américaines : la nature sauvage, avec son culte qui peut mener au drame (comme le montre le
dénouement); le road movie, avec ses rencontres qui placent le « héros » sur la voie de son destin ; la crise de jeunesse (« coming of age »), avec sa révolte légitime contre la société de
consommation et sa tendance à fuir le monde réel.
Incomparablement plus inventif (à la différence de Sean Penn, les frères Coen sont des réalisateurs majeurs), « No country for old men »
articule son intrigue à rebondissements sur une série de « tramps » qui, quant à eux, le sont de façon tout à fait involontaire ! Une galerie haute en couleurs : un plouc qui met la main sur un
gros magot (Josh Brolin), le tueur fou qui le pourchasse (formidable composition de Javier Bardem), le chasseur de primes à ses trousses (Woody Harrelson), et le shérif désabusé qui tente de
rattraper les autres (Tommy Lee Jones, comme toujours remarquable). Une course-poursuite racontée de main de maître, avec des paysages de l'ouest superbement filmés par un chef opérateur de grand
talent, Roger Deakins.
En résumé, deux films qui illustrent le double sens du mot wild (sauvage), qui s'applique à la fois à la nature et aux hommes. Leurs personnages sont, chacun à leur manière et comme les
personnages d'« Easy Rider », born to be wild (nés pour être sauvages)... et born to run !