Comment sortir de la contradiction entre une « gouvernance » internationale du climat qui, malgré l'échec de la conférence de Copenhague en 2009, s'affirme depuis une quinzaine d'années, et la triste réalité d'un système climatique planétaire qui, entre fonte des glaces et tempêtes à répétition, nous semble de plus en plus incontrôlé ?
Cette question se trouve au cœur d'un livre très important, Gouverner le climat ? (attention, le point d'interrogation est crucial !), paru récemment aux Presses de Sciences Po (23 euros). Ses auteurs : Stefan C. Aykut, politiste et sociologue des sciences (LISIS, université Paris-Est) et Amy Dahan Dalmedico, historienne des sciences (Centre Alexandre Koyré CNRS-EHESS).
Vu l'épaisseur du « pavé » (750 pages bien tassées), certains seront tentés de remiser l'ouvrage sur la pile des livres que l'on lira plus tard. Erreur on ne peut plus funeste, car Gouverner le climat ? nous offre, sous une forme toujours lisible (y compris par les non spécialistes de la recherche et de la diplomatie sur le climat), une réflexion d'une exceptionnelle richesse sur les ressorts de la crise climatique et les moyens d'en sortir. La course de vitesse est inégale entre un processus de négociations internationales lent et complexe, et une dégradation de plus en plus rapide des conditions climatiques (depuis 1984, date de la mise en oeuvre des premières mesures fiables, l'accroissement des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère n'a jamais été plus important qu'entre 2012 et 2013). Un hiatus aggravé par le triomphe mondial de la « grammaire néolibérale » et « une réalité du monde marquée par la lutte acharnée pour l'accès aux ressources, par une globalisation économique et financière qui se nourrit de l'exploitation des énergies fossiles et par la propagation des styles de vie occidentaux ».
Au fil des chapitres, les deux auteurs nous retracent de façon vivante les grandes étapes des négociations climatiques depuis 30 ans (avec notamment des pages très instructives sur la genèse de la création du GIEC dans les années 80), en les reliant à l'évolution des recherches scientifiques, des rapports de force internationaux, sans oublier le rôle des ONG. Le bandeau de couverture, qui présente le livre comme « la référence sur les négociations climatiques », n'est donc nullement usurpé !
Nourri des débats sur l'anthropocène (nouvelle ère géologique qui, selon certains scientifiques, a été créée par l'impact global de l'homme sur la biosphère), le chapitre final, consacré au « champ des possibles », défend l'idée que la « sortie » de la crise climatique exige une « grande transformation » de nos modes de vie et d'organisation sociale. En conclusion, Stefan C. Aykut et Amy Dahan Dalmedico forment le vœu qu'au-delà des nécessaires avancées concrètes, telles que la mise en œuvre d'un nouveau traité international prenant la relève du Protocole de Kyoto, la COP 21 de Paris « relance le débat indispensable sur les transformations, à toutes les échelles, de nos modes de production, de consommation, d'échanges, de nos modes de vie, pour un monde plus soutenable ».
Cet article a été publié dans la lettre Options Futurs N° 29, que vous pouvez télécharger en cliquant ici.
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