« Macadam à deux voies » : c'est le titre en VF de « Two lane blacktop». Un road movie mythique, réalisé en 1971 par Monte Hellman, qui vient de sortir en DVD en deux superbes éditions, l'une chez
Criterion aux Etats-Unis, l'autre chez Carlotta en France. Lors d'un
concert à Los Angeles en février 2006 (disponible en DVD zone
1), Bruce Springsteen avait interprété « Millworker » de James Taylor, dont « Two lane blacktop » avait marqué la seule incursion au cinéma. Le Boss avait indiqué à cette occasion que « Two lane
» était son film préféré.
En voyant (ou revoyant) « Two lane », centré sur une Chevrolet 1955, impossible de ne pas penser à la chanson « Darkness on the edge of town
». Une différence quand même : chez Springsteen, la « Chevy » date de 1969. Comme « Easy Rider », certains Clint Eastwood, « Une histoire vraie » de David Lynch, ou le récent « Cars » de John
Lasseter, « Two lane » - comme son nom l'indique - célèbre une Amérique en voie de disparition, celle des routes à deux voies, loin des
complexes autoroutiers. Ceux qui, comme dans le fameux sketch de Jean Yanne, détestent les départementales, devront passer leur chemin !
Outre la présence de James Taylor, grande figure du folk-rock (et, comme les fidèles de ce blog le savent, ex-fiancé de Carly
Simon), ce film bénéficie aussi de la participation de Dennis Wilson, batteur des Beach Boys. Sans oublier l'excellent Warren Oates, habitué des films d'Hellman, et la discrète Laurie Bird, qui
s'est suicidée quelques années plus tard.
Alors, si, pour vous, le cinéma ne rime pas forcément avec rythme effréné et effets spéciaux, ne ratez pas ce film sublime. A ranger (pour les fans de Springsteen) dans la catégorie « Tom Joad »
plutôt que dans le rayon « Born to Run » !
« Into the wild », « No country for old men » : outre qu'ils confirment, après le « Jesse James » d'Andrew Dominik, le retour des grands espaces de
l'ouest dans le cinéma américain, ces deux nouveaux films ont en commun d'avoir comme héros des « tramps », c'est-à-dire des vagabonds. Une catégorie (a)sociale chère au coeur de Bruce
Springsteen, comme en témoignent les paroles de « Born to run ».
Le personnage central d'« Into the wild », Christopher McCandless (Emile Hirsch, une révélation),
est un vagabond solitaire, qui se rebaptise justement Supertramp. Il choisit, à 24 ans, de tout plaquer pour un retour à la nature sauvage (the wilderness) en Alaska. Le film de Sean Penn est
basé sur un roman à succès de Jon Krakauer, qui s'appuie lui-même sur l'histoire vraie de Christopher McCandless, survenue au début des
années 90.
S'il n'est pas un chef d'oeuvre du 7e art, « Into the wild » s'avère passionnant. Ce (trop) long métrage (140 mn) a l'originalité de mêler trois thématiques typiquement nord-américaines : la nature sauvage, avec son culte qui peut mener au drame (comme le montre le
dénouement); le road movie, avec ses rencontres qui placent le « héros » sur la voie de son destin ; la crise de jeunesse (« coming of age »), avec sa révolte légitime contre la société de
consommation et sa tendance à fuir le monde réel.
Incomparablement plus inventif (à la différence de Sean Penn, les frères Coen sont des réalisateurs majeurs), « No country for old men »
articule son intrigue à rebondissements sur une série de « tramps » qui, quant à eux, le sont de façon tout à fait involontaire ! Une galerie haute en couleurs : un plouc qui met la main sur un
gros magot (Josh Brolin), le tueur fou qui le pourchasse (formidable composition de Javier Bardem), le chasseur de primes à ses trousses (Woody Harrelson), et le shérif désabusé qui tente de
rattraper les autres (Tommy Lee Jones, comme toujours remarquable). Une course-poursuite racontée de main de maître, avec des paysages de l'ouest superbement filmés par un chef opérateur de grand
talent, Roger Deakins.
En résumé, deux films qui illustrent le double sens du mot wild (sauvage), qui s'applique à la fois à la nature et aux hommes. Leurs personnages sont, chacun à leur manière et comme les
personnages d'« Easy Rider », born to be wild (nés pour être sauvages)... et born to run !
Avec « La guerre selon Charlie Wilson », Mike Nichols, vieux routier du cinéma US anticonformiste, réussit un film à la fois drôle et révélant sur le plan géopolitique. Il montre en
effet comment un obscur congressman du Texas, Charlie Wilson (Tom Hanks, excellent), alerté notamment par une milliardaire excentrique
chrétienne-intégriste (Julia Roberts, drôlissime), et aidé par un expert déjanté de la CIA (Philip Seymour Hoffman, formidable) a réussi discrètement au début des années 80 à multiplier par
20 le budget alloué à l'aide aux moujahiddins afghans, en lutte contre l'invasion soviétique. Et, plus fort encore, cet amateur de pur malt
et de jolies femmes a mis en place une filière de livraison clandestine d'armes associant Israéliens, Egyptiens et Pakistanais !
On voit ainsi comment, à la manière du papillon brésilien dont le battement d'ailes peut - en théorie - faire pleuvoir sur Brest, ce Charlie Wilson (qui, faut-il le préciser, existe vraiment
!) est à l'origine d'une réaction en chaîne qui a abouti à la fin de l'URSS, à laquelle l'enlisement afghan a puisamment contribué. Mais aussi, par un tragique choc en retour, à la prise du pouvoir
par les talibans et au développement mondial de l'islamisme radical.
De ce point de vue, Mike Nichols et son scénariste Aaron Sorkin (auteur de la remarquable série « A la Maison Blanche ») se défaussent un peu facilement en laissant penser que le refus du
Congrès américain de financer les écoles d'Afghanistan après le départ des Russes serait la cause principale de l'essor de l'intégrisme dans ce pays. Hélas, si l'éducation est un antidote au
fanatisme, elle ne suffit pas à l'éradiquer.
Reste un film qui, par son mélange de réflexion géopolitique et d'humour pas toujours très subtil, évoque par instants le Lubitsch de « To be or not to be ». Tant il est vrai que l'histoire,
même la plus tragique, intègre toujours une part de bouffonnerie. Comme dans cette formidable scène où un vieux sénateur réac hurle "Allah Akhbar" en choeur avec les moujahiddins
!
Riddle, l'énigme : dans « I'm not there », c'est le nom d'une petite ville de l'ouest américain. Todd Haynes, le réalisateur, aurait pu tout aussi bien baptiser son film ainsi. Car ce
long-métrage consacré à Bob Dylan pose autant de questions qu'il n'apporte de réponses sur l'un des artistes les plus déroutants de notre époque.
Le coup de génie de Todd Haynes, ce n'est pas seulement d'avoir fait «jouer» Dylan par six comédiens différents (dont une Cate Blanchett tout simplement
époustouflante). Il a aussi eu l'idée de construire autour de ses sept (l'un des acteurs revient deux fois) «incarnations» du Maestro un mini-film réalisé dans un style cinématographique particulier, correspondant à ce « visage » de Dylan. Ainsi, Jude Quinn, le Dylan psychédélique
interprété par Cate Blanchett, apparaît dans un noir et blanc influencé à la fois par « Huit et demi » de Fellini et « A hard day's night » de Richard
Lester. Tout au long du film, un montage astucieux nous fait passer de façon très fluide d'une histoire à l'autre.
Ce film, l'un des plus originaux de 2007, a le grand mérite de nous montrer que ces visages multiples ne résultent pas d'une démultiplication de personnalités, ou, encore moins, de choix
commerciaux successifs (comme un Hallyday passant de « Cheveux longs, idées courtes » à « Jésus Christ est un hippie »). Au fil du film, on voit se dégager la cohérence profonde de l'oeuvre de
Dylan, avec cette volonté permanente de ne jamais être là où on l'attend (« I'm not there »).
Il faut aussi saluer la qualité de la BO qui alterne originaux de Dylan (dont l'inédit « I'm not there », de la période Basement tapes) et reprises
parfois inspirées comme « Memphis blues again » par Cat Power ou « Knocking on heaven's door » par Antony and the Johnsons (d'autres étant plus plates ou anecdotiques).
Cependant, ce film pâtit d'un surdose de références risquant d'échapper aux spectateurs qui ne sont ni cinéphiles ni dylanologues. Et même ces derniers seront
déroutés par certains choix. Quelques questions parmi d'autres :
- pourquoi certaines personnes apparaissent-elles sous leur véritable identité (Allen Ginsberg), alors que d'autres sont dotés de pseudos plus ou moins transparents (Joan Baez
rebaptisée Alice Fabian) ?
- pourquoi l'épouse de Dylan, Sara (excellement interprétée par Charlotte Gainsbourg) est-elle française dans
le film, alors qu'elle ne l'est pas dans la réalité ?
- le Mister Jones de « Ballad of a thin man » est-il ce journaliste obtus et irascible que croque le film ? Ce personnage n'est-il pas plutôt (ou aussi ?) le symbole du « square » (terme US des
année 60, littéralement : esprit carré et obtus) qui n'a pas compris que les temps changent...
En résumé, comme le précédent long-métrage de Haynes, « Loin du paradis », qui revisitait avec talent « Tout ce que le ciel permet » de Douglas Sirk (on y reviendra à l'occasion d'un coffret DVD
consacré à ce grand réalisateur), « I'm not there » est un brillantissime exercice de style. Ce metteur en
scène surdoué nous livrera-t-il bientôt enfin une oeuvre totalement personnelle et originale ?
Pour les fans de Springsteen, le titre « La nuit nous appartient » évoque bien sûr les paroles de « Because the night », chanson popularisée par Patti Smith : « Because the night
belongs to lovers, Because the night belongs to us ».
Pourtant, alors que la nuit de Bruce et Patti appartient aux amants, celle de l'excellent film de James Gray est la « propriété » de la police new-yorkaise. De fait, son titre original, « We own
the night », est la devise de la NYPD.
Mais on aurait tort de croire que, comme l'ont dit un peu vite quelques critiques, « La nuit nous appartient » serait un ode à l'action des forces de
police et aux valeurs familiales. Car la famille, déstructurée, ne s'y reconstitue que dans la tragédie et la mort, tandis que la police s'y révèle à la fois brutale et (sauf dans la scène
finale) peu efficace.
D'ailleurs, dans une interview à Paris-Match (6 décembre 2007), James Gray indique que l'une des sources d'inspiration de son film a été le drame d'Amadou Diallo, immigrant guinéen qui, en 1999,
pour un geste mal interprété, fut abattu de 41 balles en 1,5 seconde par quatre flics new-yorkais.
Une «bavure» à laquelle Bruce Springsteen a consacré l'une de ses chansons les plus poignantes : « American skin (41 shots) ».
En fait, Gray dépeint la police et la famille comme des institutions nécessaires mais faillibles qui, selon ce qu'en font les hommes, libèrent en eux le pire - souvent - ou le meilleur -
parfois.
Le thème des deux frères, l'un attiré par le «bien» et l'autre par le «mal» (remarquablement interprétés par Mark Wahlberg et Joaquin Phoenix) rappelle à l'évidence « Highway patrolman », chanson qui a servi de base au superbe film de Sean Penn, « The Indian Runner ». A cela près que
l'évolution des personnages de « La nuit nous appartient » est fort différente...
Allez donc voir sans hésiter ce beau film qui après «Zodiac» de David Fincher ou « American gangster » de Ridley Scott, confirme la tendance du
cinéma américain au retour à un certain classicisme, tant au niveau
des thèmes qu'à celui de la réalisation. Pour réussir un film, rien de tel qu'une bonne histoire !
« L'homme sans âge », qui marque le (presque) grand retour de Francis Ford Coppola, est le genre de film cryptique qui se prête à toutes sortes d'interprétations.
Ainsi, « Les Cahiers du Cinéma » y ont vu une sorte de synthèse des thèmes de ses films précédents, comme par exemple le rajeunissement (« Peggy Sue got married ») ou le voyage d'un homme jusqu'au
bout de sa folie («Apocalypse now »).
Ne connaissant pas assez bien l'oeuvre de Mircea Eliade (dont une nouvelle a servi de base au film), je hasarderai pour ma part un décryptage cinéphilique. Et si, comme Scotty (James Stewart) dans
« Vertigo » de Hitchcock, Dominic, le héros de « L'homme sans âge » (magistralement interprété par Tim Roth) était amoureux d'une femme
morte (ou qu'il croit décédée), son ex-fiancée. Au point de croire la retrouver en une autre femme dans le second volet du film.
Coincidence ? Dans « L'homme sans âge », la fiancée trop vite délaissée se prénomme Laura. Comme l'héroïne (magique Gene Tierney) du
film éponyme de Preminger, que tout le monde croit morte et qui surgit telle une apparition au milieu du film.
Laura, c'est aussi le prénom de la victime de la série « Twin Peaks » de David Lynch, qui «ressuscite» au bout de quelques épisodes sous l'apparence de sa cousine, jouée par la même actrice, Sheryl
Lee. Une cousine prénommée Madeleine, comme Kim Novak dans « Vertigo ».
La boucle est bouclée, car, par ses multiples niveaux de lecture possibles (et son tournage partiellement effectué en Europe), «
L'homme sans âge » évoque « INLAND EMPIRE », le dernier film de Lynch.
Une autre hypothèse pour finir : peut-être Dominic est-il simplement voué à toujours retomber amoureux du même type de femme. Comme le
Colonel Blimp du film de Michael Powell, qui, au fil des 50 ans de l'histoire, craque pour trois femmes successives, toutes interprétées par son actrice fétiche, Deborah Kerr, qui nous a quitté
voici quelques semaines.
Enfin, pas tout à fait. Car les stars de cinéma - comme les personnages du film de Coppola - ne meurent jamais. Du moins dans nos mémoires...
Living in the future : dans ce titre de Springsteen comme dans le film de Coppola, présent, future (et passé...) se
confondent... « None of this has happened yet » !
Magique... Avec son film « La graine et le mulet », en salles le
12 décembre, Abdelattif Kechiche réussit un tour de force que seuls des cinéastes du calibre de Pialat ou Cassavetes avaient auparavant réalisé : donner l'impression du spontané, du naturel.
Pourtant, chaque scène est superbement mise en scène, les dialogues sont finement ciselés et la direction d'acteurs magistrale (ainsi que les comédiens eux-mêmes !). On imagine le travail qui a été
nécessaire pour nous faire (presque) croire à de l'improvisation.
Comme dans son film précédent, « L'esquive », Kechiche raconte une histoire simple. A Sète, un vieil immigré licencié des chantiers navals se sert de ses indemnités pour réaliser son rêve :
créer un restaurant sur un bateau. Au menu : couscous poisson, autrement dit la graine (la semoule) et le mulet (le poisson). Un scénario à la Capra, qui est surtout le prétexte à des disputes et
des quiproquos entre ses deux familles. D'un côté, son ex-femme (préposée au couscous) et ses enfants adultes. De l'autre, sa nouvelle compagne et sa belle-fille, qui va jouer un rôle central dans
l'histoire.
On ne s'ennuie pas une seconde durant les 2 h 30 de ce film en tension permanente. Lors de sa projection le 4 décembre à la Cinémathèque de Bercy, il a été salué par une longue ovation
méritée. Venu pour le présenter avec son équipe, Kechiche, dans le rôle du jeune homme timide dépassé par son succès, a montré qu'il n'avait pas la
grosse tête. Dans mon classement personnel, « La graine et le mulet » est désormais le favori pour le titre de film de l'année.
Dans cet univers parallèle, tous les prénoms sont tirés des chansons des petits gars de Liverpool. Un rêve (ou cauchemar ?) de
Beatlemaniaque devenu réalité de celluloïd avec le film musical « Across the universe », sorti discrètement au cinéma. Ce long-métrage de Julie Taymor (réalisatrice de l'honorable «Frida») enfonce
parfois les portes ouvertes, voire les fenêtres comme dans cette scène où Prudence entre par celle de la salle de bains... Mais oui, vous y êtes : « She came in through the bathroom window » !
De Maxwell avec son petit marteau (« Maxwell's silver hammer ») au concert sur le toit, beaucoup d'icônes de la Fab Four culture sont
présentes dans un joyeux désordre. Si les séquences psychédéliques sont d'une lourdeur parfois insoutenable, la fraîcheur et l'enthousiasme des jeunes interprètes (inconnus à l'exception d'Evan
Rachel Wood, remarquée dans « Thirteen » et avant cela dans la série « Once and again ») emportent la conviction. D'autant plus qu'ils chantent vraiment, et plutôt bien. Sans pour autant bien sûr
faire oublier les versions originales.
Chemin faisant, on pourra s'amuser à pister les guest-stars comme Joe Cocker en mendiant (il en profite pour chanter « Come Together »),
Bono en Dr Robert (il en profite pour chanter « I am the walrus ») ou Salma Hayek,
qui jouait Frida Kahlo, en infirmière (non, elle ne chante pas !).
Across the universe : cette chanson est sortie pour la 1ère fois en décembre 1969 sur un 33 tours au profit de WWF, « No one's gonna
change our world », qui fut sans doute le 1er charity album de l'histoire du rock. Elle a été reprise, avec une version différente, dans l'album des Beatles « Let it be », sorti au printemps
1970.
Ci-dessous une version de Rufus Wainwright, qui se trouve sur la BO de « Sam I am Sam ». Un autre film cher aux beatlemaniaques qui, pour être le long-métrage favori de Nicolas Sarkozy (il en fait
toujours trop !), n'en est pas moins excellent...
Les chansons de Bruce Springsteen agissent souvent comme des révélateurs.
Ainsi, dans le dernier film des frères Farrelly, « Les femmes de sa vie », c'est en entendant sa nouvelle épouse, Lila (Maline Akerman, dont le physique et le jeu évoquent Cameron Diaz) beugler «
Rosalita » dans la voiture les emmenant en voyage de noces au Mexique, qu'Ed (Ben Stiller, connu pour ses parodies de Springsteen, voir un échantillon à la fin de ce post) prend brutalement
conscience de sa colossale erreur. La blonde «dream girl» qu'il a épousée va vite se révéler un cauchemar permanent.
Comme leur disciple Jude Apatow, les Farrelly pratiquent un art typiquement américain mêlant romantisme, humour décalé et
vulgarité assumée. Mais tandis que « Knocked up » revisitait la classique comédie du remariage, « The heartbreak kid » (titre
original de « Les femmes...») peut se définir comme une comédie du démariage. Car le héros n'aura de cesse, au long de ce film, de tenter de se séparer de cette jeune femme trop vite épousée.
D'autant plus qu'il a rencontré sur la plage mexicaine une autre femme (la craquante Michelle Monaghan, dont le personnage de «girl next door» exemplaire est cependant un peu trop lisse).
Pour conquérir celle-ci, soumise à l'emprise d'une famille chrétienne intégriste d'Oxford, Mississipi (haut lieu de la bataille pour les droits civiques dans les années 60, auquel Bob Dylan
consacra jadis une puissante protest song), Ed sera prêt à tout, y compris à rentrer clandestinement aux Etats-Unis, car Lila lui a
pris tous ses papiers !
Malgré quelques baisses de rythme, et sans atteindre les sommets de « Deux en un », leur film le plus abouti, cette dragée au poivre se laisse voir avec plaisir. Un regret cependant : par son
braillage digne d'un fan espagnol ayant abusé de la bière pression, Lila nous empêche de profiter des quelques mesures de la version originale de « Rosalita », chanson n'ayant (à ma connaissance)
jamais été présente dans un film !
Les Français (et plus encore les critiques de cinéma parisiens !) sont en général allergiques aux comédies romantiques américaines. Ainsi, deux films assez hilarants sont sortis ces dernières
semaines de façon quasi-clandestine (très peu de salles les donnaient en VO) et dans l'indifférence générale (à la notable exception des Inrockuptibles). De plus, ils sont affublés de titres
français ridicules, de nature à décourager tout spectateur de plus de 12 ans 1/2 : « En cloque, mode d'emploi » et « Supergrave ».
De loin le plus réussi, le premier de ces films (« Knocked up » en VO, littéralement : engrossée), réalisé par Jude Apatow, est une variation trash et brillante sur un genre classique
outre-Atlantique : la comédie du remariage. Un thème sur lequel le philosophe Stanley Cavell a écrit un livre essentiel, appuyé sur l'analyse de classiques des années 1930 comme « L'impossible
Monsieur bébé » ou « His girl friday » : « A la recherche du bonheur ».
Le canevas de « Knocked up » est d'une redoutable simplicité : après une soirée trop
arrosée, l'héroïne du film, prénommée Allison (d'où le titre de ce post), présentatrice TV BCBG, se retrouve mise enceinte par Ben, un ado attardé de 25 ans. Comment le jeune homme (pas si naze
qu'il en a l'air) va-t-il (re) conquérir la belle (pas si coincée) ? Vous le saurez en voyant ce film, bourré de gags bas de plafond et de références cinématographiques (par exemple une discussion
passionnée sur « Retour vers le futur », sous les yeux ébahis d'Allison, qui n'a pas vu le film !).
Un long-métrage à déconseiller toutefois aux âmes sensibles en raison d'une séquence assez crue d'accouchement (rassurez-vous, tout se termine bien pour la maman, le papa et le bébé !). Sans doute
la scène la plus dérangeante de ces derniers mois au cinéma (même pour un des copains de Seth, fan de films d'horreur !), avec celle de l'avortement dans « 4 mois, 3 semaines et 2 jours »,
l'admirable film roumain qui a remporté la Palme d'or à Cannes.
Quant à « Superbad », on peut le voir comme une «prequel » de « Knocked up ». Car Seth, l'un des trois héros (zéros ?) de cette comédie teenage, ressemble comme deux gouttes d'eau à Ben (interprété,
est-ce un hasard, par l'acteur Seth Rogen) avec dix ans de moins. Course aux filles et aux alcools forts : ici, on est plus dans le conventionnel, voire le cliché. Il est vrai que le très doué
Apatow n'est que producteur, la réalisation étant assurée par Greg Mottola, dont c'est le premier long métrage (d'après imdb). Mais le film est
sauvé par deux flics - dont l'un est joué par Seth Rogen - d'une irrésistible bêtise. De fête latino en bar louche, « Supergrave » se transforme alors en une version junior de l'« After Hours
» de Scorcese. Là encore, pas d'angoisse, le happy end sera au rendez-vous...
Deux films à voir donc, si vous trouvez une salle qui les joue encore en V.O....
Allison : titre emblématique du premier album d'Elvis Costello, « My aim is true », qui vient de ressortir dans une superbe
édition collector à l'occasion de son 30e anniversaire.